17/07/2025
Dans «Zoom», Paméla Ravassard, seule en scène, incarne une fille-mère confrontée à la fatalité et à la violence sociale.
Festival Off d’Avignon 2025 : nos 20 coups de cœur
A mi-chemin du 59e Festival Off d’Avignon qui s’achève le 26 juillet, voici vingt propositions vues et approuvées parmi les 1 724 spectacles de cette édition 2025. Sylvain Merle et Grégory Plouviez
Théâtre du Girasole, 10 heures
Avec beaucoup d’humour « Zoom » est une pièce tendre attachante et poétique, débordant de l’énergie formidable d’une comédienne passionnée.
Dans la salle d’attente, de classe, de cinéma… des chaises sont l’unique décor. Ou presque. Sur les vitres ruisselle parfois la pluie, un couloir conduit vers d’autres univers, et des guirlandes de lumière entourent l’espace de jeu. Les bruitages ont aussi une belle part, tout comme la musique.Principalementcelledu7eart, à l’exceptiondufinalsurprise.L’auteur,GillesGranouillet, racontecommentunefamilleréduiteàlamère etau fistons’estconstruitecontrel’adversité.Conçu dans un cinéma, Burt, c’est son prénom (en hommage à Lancaster, vedette américaine décédée en 1994) n’estpas « un enfant facile ». La mère « fait tout ce qu’elle peut » mais avec ses propres limites, rejetée par sa propre génitrice…
Chaque jour, Gérald Rossi, notre envoyé
spécial, commente ses recommandations et ses
coups de cœur. Aujourd’hui « Zoom », de Gilles
Granouillet, mis en scène et interprété par
Paméla Ravassard. Un feu d’artifice d’amour et
de liberté.
Telle une maman félinPaméla Ravassard, qui se met en scène avec la complicité de Garlan le Martelot, est cette mère à la limite d’être dépassée par la situation, jusqu’à sombrer. La comédienne, que l’on avait déjà |
remarquée dans sa mise en scène de Courgette de Gilles Paris, livre ici la palette de ses talents. Elle est une mère plus vraie que nature, prête comme une maman félin à défendre son bébé/gamin/ado….La mère de Burt affronte l’adversité des autres, de tous ceux qui rejettent la |
différence, ceux qui, comme le dit Paméla Ravassard, n’ont aucune envie de se laisser mettre dans une boîte, avec une étiquette formatée sur le dessus. L’univers de Zoom, fait référence au cinéma (en plan serré) avec quelques-unes des musiques les plus célèbres de John Williams, NinoRotaetautresmaestros, dontlevioloncellisteNathanMinière.Burt,lui,nepouvait,forcément |
que faire du cinéma. La vie prend souvent d’autres chemins.Avec beaucoup d’humour Zoom est une pièce tendre attachante et poétique, débordant de l’énergie formidable d’une comédienne passionnée. |
18/07/2025
14/07/2025
Festival Off : « Zoom », un texte poignant
On a vu au théâtre du Girasole la pièce de Gilles Granouillet,
visible jusqu’au 26 juillet.
L’amour d’une mère pour son fils. Le sujet n’est pas neuf mais au théâtre du Girasole, le voici revisité d’une façon inattendue. Cette mère est prête à tout pour offrir une vie de vedette à son fils qui se prénomme Burt, en référence à Burt Lancaster. Rien que ça !
Seule en scène Pamela Ravassard déroule le fil de son histoire. Mère Courage franc-comtoise, elle rêve du meilleur pour Burt, quitte à tout lui sacrifier. Dans un univers quelque peu cinématographique, on suit le parcours de ces deux êtres cabossés par la vie, pour qui le déterminisme social et la résilience ne sont pas des vains mots.
Comédienne et metteure en scène, Pamela Ravassard porte l’entièreté de ce spectacle, ce qui ne souffre pas l’à peu près. Elle se révèle tour à tour insupportable, attachante, délirante, cocasse, outrancière… mais surtout tellement vivante. Sa mise en scène découpe l’espace en territoires pour mieux appréhender son parcours de vie, que le spectateur suit avec une forte dose d’empathie. Et on vibre avec elle de ses velléités pour son enfant.
La pièce pose des questions existentielles sur la transmission et l’atavisme familial. Les parents sont-ils les mieux placés pour faire atteindre le bonheur à leurs enfants ? Qu’est-ce que la réussite sociale ? Comment échapper à son milieu? Le public frémit au gré des errances de la mère de Burt, prisonnière des institutions, de la société, de ses rêves, mais surtout d’elle-même. Touchante de bout en bout, la comédienne se met à nu exprimant des vérités qui nous renvoient à nos propres personnalités. Sans pathos, avec une grande finesse d’écriture, est un périple, l’odyssée de deux vies dont les issues seront pour le moins inattendues. Jean-Noël Grando
Zoom
Zoom : Incandescente Pamela Ravassard
En s’emparant du monologue de Gilles Granouillet, écrit en 2009, la comédienne fait sonner de toute son
âme l’histoire de cette fille-mère broyée par la vie et prête à tout pour offrir à son fils la meilleure vie possible.
Elle arrive dans la salle de classe vide. Avec sa dégaine qui la fait ressembler à une ado, difficile d’imaginer qu’elle est mère d’un élève. Comme pour justifier sa présence, la jeune femme fragile, qui a rêvé sa vie en cinémascope, fait jaillir son histoire à coups de zoom, créant une impression de mouvement entre le passé et le présent. |
« Dès le début son film était raté »Élevée sans tendresse par une mère mal aimante et un père absent, elle n’a jamais su conjuguer le verbe aimer. À 17 ans, elle tombe enceinte et se fait chasser de la maison. Ce fils prénommé Burt, parce qu’il a été conçu au cinéma devant le film Tant |
qu’il y aura des hommes, va devenir le centre de sa vie. Désirant lui offrir un avenir meilleur, elle va gâcher son enfance. Mais comment élever son enfant et être une bonne mère, quand on n’est pas armée pour cela ? Dans une montée dramatique puissante, on sent qu’un drame s’est joué. Celui-ci est révélé à la fin du spectacle dans un grand un cri d’amour.Pamela Ravassard fait retentir, dans un jeu tout en nuance, le récit poignant de cette |
femme cabossée de partout. Zoom fait miroir avec Courgette, qui donnait la parole aux enfants abîmés. Comme pour ce spectacle, sept fois nommé aux Molières en 2024, la musique et les chansons ont leur importance. Ici, elles font référence aux films donts’abreuve la mère de Burt. La scénographie, conçue comme un décor de cinéma, élargit le champ de vision. Sommes-nous réellement dans cette salle de classe, ou |
dans sa tête à elle ? Ce spectacle de toute beauté est un des grands succès de ce Festival Off Avignon. Marie-Céline NivièreZoom de Gilles Granouillet (Éditions Lansman) Théâtre du Girasole – Festival Off AvignonDu 4 au 26 juillet 2025 à 10h, relâche mardi Durée 1h20. |
20/07/2025
Spécial Avignon par Patrick Adler
Zoom
Girasole
Zoom s’inscrit déjà comme un véritable phénomène théâtral,
Après plus de 350 représentations, Pamela Ravassard, qui a – entre autres -signé la mise en scène de
Courgette (7 nominations et le Molière 2024 de la comédienne à Vanessa Caihol) joue un seul-en-
scène époustouflant où elle campe
une Mère Courage sévèrement cabossée, prête à tout – même à l’indicible – pour extirper l’atavisme familial, sortir du déterminisme ambiant et faire de son fils Burt… une star du cinéma. On rit, on pleure, on ressort bouleversé par cette peinture sociale qui n’est pas sans nous rappeler Chatillez et « La vie est un long fleuve tranquille » ou les films de l’anglais Ken Loach.
Coup de coeur absolu de la Rédaction !
On se rappellera longtemps de son rire sardonique, à contre-temps. Elle est comme ça, la mère de Burt, sans filtre, clownesque à son corps défendant, c’est un paquet d’amour, une
énergie, une bonne foi… débordants. Elle voudrait bien changer sa vie, mais elle peut point. C’est, pour beaucoup, la « cassos-type », un brin vulgaire, grossière, c’est la « popu » à l’accent du Doubs, autre marqueur social. Comme dirait Brel : « Faut vous dire, Monsieur, que chez
ces gens-là… »
Eh bien, chez elle, on cause. Elle a besoin de cela, celle qui ne se définit que comme la mère de Burt, un gamin conçu à la va-vite dans une salle de cinéma où l’on projetait « Tant qu’il y aura des hommes », avec justement un certain…vBurt Lancaster. Le géniteur, sans doute parti
chercher des clopes, ne reviendra pas. La fille-mère (appellation de l’époque) va connaître la galère mais, pour son Burt qu’elle aime tant, rien ne l’arrête. Il est taiseux ? Qu’à cela ne tienne, elle parle pour deux et prendra les choses en main. Il est en échec scolaire ? À en juger par le nombre d’artistes qui l’ont été aussi et sont devenus des stars… Mais connait-elle
son fils, sait-elle seulement qu’il n’aime rien tant que la musique ? Humilié, Burt entre dans la spirale de la violence. Devenu obèse, il peut prétendre après moult échecs aux castings au rôle du fils d’Obélix. La mère de Burt entend bien cette fois atteindre le Graal, à tout prix. Quitte à éliminer la concurrence. Et là, climax absolu, tout s’écroule !
On la voit apparaitre, quatre ans après, sans raison manifeste, dans une salle de classe vide. Le professeur principal est en retard. Alors… Elle va se lancer dans une logorrhée verbale aussi émouvante que drôle, refaire le film de sa vie, elle veut s’expliquer, demander pardon (elle a quand même buté le concurrent de son fils au casting, le môme est aujourd’hui handicapé à 30%). Elle voulait transmettre, elle a raté son coup mais elle est d’une sincérité |
absolue. Elle n’a juste pas les codes, pas la carte, pas la manière. |
Sans pathos aucun, avec un franc-parler vrai et bouleversant, Pamela Ravassard incarne à la perfection cette « prisonnière » des codes et surtout d’elle-même, nous la rend aussi attachante |
que détestable mais au fond… si humaine. Parallèlement, elle incarn e le proviseur, la directrice de casting, l’assistante sociale et tous les autres personnages qui ont émaillé sa |
vie, une vie que la mère de Burt voulait désinvisibiliser, magnifier, comme le plateau bordé |
d’ampoules lumineuses qui rappelle le music’hall. Si l’écriture de Gilles Grenouillet est – comme toujours – percutante et fine, louons également le travail sur la bande-son, il est colossal. Frédéric Minière en est l’orfèvre. Pamela, aidée par Garlan Le Martelot, signe une mise en scène juste époustouflante, pleine d’énergie où l’émotion prend régulièrement le pas |
sur le rire. Après cet ascenseur émotionnel, rendez-vous est pris pour les Molières 2026. Chiche ? Plus d’informations : theatredugirasole.fr/ |
16/07/2025La chronique d’Ornella DamperonCoup de projecteur sur Zoom |
Une pièce coup de poing. Un vrai uppercut d’amour maternel. Pamela Ravassard incandescente, habitée.La mise en scène est magistrale entre cinéma et théâtre, lumière mouvante, vitre, bande son Hollywoodienneune oeuvre lumineuse sur la résilience, la transmission, |
l’échec et l’espoir. On en ressort bouleversé et ébloui. |
© Photo : Alejandro Guerrero
C’est l’histoire de l’amour incommensurable d’une mère pour
son fils. C’est l’histoire d’une mère qui est prête à tout pour
offrir la meilleure vie à son fils. C’est l’histoire d’une
réussite…
Fin septembre, réunion de parents d’élèves : elle est là, « la
mère du Burt ». Celle qu’on n’a pas vue depuis des années,
celle qu’on aurait sans doute préféré ne pas revoir. Elle n’a
plus aucune raison d’être là, pourtant elle s’est invitée. Alors, comme le prof principal est en
retard, elle se lève et parle. En combat contre les mots, elle se raconte, raconte son Burt, cet
« enfant difficile ». Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage n’a aucune limite pour son
fils qu’elle embarque sur les routes de France, en quête d’un rêve hollywoodien. Et au fil de ce
parcours entre musique, danse et cinéma, une vraie émotion se dévoile peu à peu. On comprend
alors qui elle est, et pourquoi elle est là…
Le spectacle ZOOM de Gilles Granouillet interprété et mis en scène par Pamela
Ravassard donne tout son sens (c’est le cas de le dire car nous l’avons découvert au Festival
SENS) au qualificatif de Seule en scène .
Qu’attendrions-nous d’un seul.e en scène s’il était proposé au quidam auquel chacun.e de nous
pourrait s’identifier ? Il y a une bonne quinzaine d’années au Théâtre Le Lucernaire grâce à la
bienveillance de son directeur Christian Le Guillochet, le dernier dimanche du mois un poète
slameur Vincent JARRY organisait une scène ouverte permettant à « n’importe qui » de s’exprimer.
De fait, cette scène était réservée aux personnes n’ayant pas les moyens de payer pour la scène
suivante destinée aux professionnels.
Cette opportunité de s’exprimer face à un public, sans détenir les codes des artistes professionnels,
il fallait la saisir car elle était exceptionnelle. Imaginez le fantasme, se retrouver seul.e face à un
public inconnu pour délivrer quelque chose d’intime qui nous tient au cœur, ou un message urgent
qui nous relie à la vie.
Ce personnage de Zoom, une mère qui vient frapper à la porte d’un public inconnu, ici, un groupe
de parents d’élèves pour lui raconter son histoire de mère avec un enfant « difficile » évoque cette
émotion de se retrouver seul.le pour raconter l’inaudible qui a pourtant un lien avec la société, qui
se trouve sans doute en dessous du goudron de la rue, parcouru par tout le monde, qui est comme
le terre-plein du cœur qui bat à tout rompre, dans l’urgence, mais dans l’urgence de quoi ?
Cette femme qui s’est complètement identifiée à son rôle de mère a oublié qu’elle était une
personne à part entière. Elle s’est effacée de son propre miroir pour se projeter sur le destin de son
fils Burt devenu la prunelle de ses yeux. Elle rêve pour lui la gloire d’un acteur tel que Burt
Lancaster, parce qu’elle l’a conçu lors de la projection au cinéma du film « Tant qu’il y aura des
hommes« .
La confession de cette femme est bouleversante parce qu’elle n’est pas lisse. Nous sommes
tellement habitués au langage conventionnel, suffisamment léché pour entrer dans les oreilles de
quiconque, que nous sursautons dès que nous entendons une personne qui parle trop fort, qui crie,
lance des insultes etc.
« Passez votre chemin ! aura-t-on envie de dire à cette dame. Vous nous importunez avec votre
histoire. Pauvre femme ! » On pourrait la qualifier de toxique la mère de Burt parce que c’est
évident à cause de son manège insensé elle a rendu la vie de son gosse impossible.
Et si nous essayions de faire Zoom comme Gilles Granouillet sur ces détails qui prennent une
importance inouïe sans même que l’on s’en rende compte.
Nous ne sommes pas psychiatres, nous n’avons pas les codes pour juger et comprendre sans doute,
mais cela nous fait du bien de l’entendre cette femme parce qu’elle nous renvoie à des fantasmes
que nous avons peut-être eus en tant que parents, parce qu’elle nous parle de la vie tout
simplement.
Et puis cette pauvre femme est aussi une mère courage, nous laissons au public imaginer la suite…
Evelyne Trân
Gilles Granouillet sait trouver le langage qui ne coule pas de source mais
qui est révélateur de la vie intérieure de la mère de Burt jusqu’à ce
qu’elle arrive à se dire. Pamela Ravassard est saisissante. Elle crache le
morceau mais il est de taille à nous subjuguer.
17/05/2025
« Zoom » de Gilles
Granouillet
Pamela Ravassard nous a récemment convié à découvrir son dernier spectacle, Zoom de Gilles Granouillet. Après son succès inoubliable avec Courgette (7 nominations aux Molières 2024 et aux Trophées de la Comédie musicales), cette merveilleuse artiste exigeante et
rigoureuse vient de créer un spectacle de toute beauté, riche, profond et à la sensibilité exacerbée. Zoom, qui sera à l’affiche du prochain Festival d’Avignon, nous envoie une vague d’émotions qui nous submerge et nous fait chanceler. Au sortir de ce spectacle, ivre de ces moments de partage et de tendresse, le spectateur se sent nourri d’un tourbillon d’émotions indifférenciées qui le suit telle son ombre.
Une jeune femme revisite une salle de classe vide. Cet endroit qui servait de réunion de parents d’élèves est désormais peuplée de fantômes. Son fort accent du nord et ses premiers mots nous alertent sur sa personnalité à la fois simple et profonde. Derrière le champ de la simplicité, bien souvent la timidité masque une pudeur de sentiments qui élève la grandeur de l’âme. Auparavant, ses mots n’arrivaient pas à sortir, à prendre leur envol. Mais ça, c’était avant !
Sa jeunesse, passée au sein d’une famille qui n’avait que le nom, s’est avérée un calvaire épouvantable où la violence était son quotidien. Rejetée très rapidement de ce foyer toxique, fracassée dès son plus jeune âge par la vie, elle rencontre un jeune homme. Cette rencontre fugace dans un cinéma qui ne passe que des vieux films hollywoodiens déterminera son avenir. Burt est né ! Mère célibataire et cabossée par la vie, elle entreprend d’élever Burt comme elle peut. Ses maladresses, ses fêlures cachent un amour incommensurable pour son fils. Comment aimer quand on l’a jamais aimé ? Comment donner quand on n’a jamais rien reçu ? On ne peut même pas imaginer ce qu’on ne connait pas. Malgré les phases de dépression, les visites des assistantes sociales, les convocations à l’école où Burt est qualifié d’enfant difficile, elle entreprend contre vents et marées de donner un avenir à Burt. Sa vision de cet avenir rayonnant sera à la mesure de sa simplicité et de son amour.
Pamela Ravassard a bâti des respirations musicales qui servent le propos de la pièce. De Hair à Cat Power, Pamela se fond entièrement dans ces chansons comme si portée par elles, elle s’en nourrissait. The Greatest de Cat Power sonne comme un hymne personnel qui la transcende. Son fils sera sa revanche sur la vie. C’est sûr !
Pamela Ravassard, dans ce spectacle pétri d’émotions, de sensibilité nous touche en plein coeur. Au sortir de ce spectacle, on ne peut que se sentir investi de ce brulant partage qui nous a tous enrichi et grandi. Laurent Schteiner
18 mai 2025
« Zoom »
Une mère qui rêve pour son fils d’un destin qu’elle n’a pas eu
Elle est là dans la salle de classe, « la mère du Burt ». Comme on attend le professeur principal qui n’arrive pas, elle qui n’est jamais venue à ces réunions, qui est la mère d’un enfant qualifié de « difficile», elle parle, elle va chercher les « mots qui comptent,
ceux qui sont tout au fond ». Elle raconte son fils conçu dans un cinéma alors qu’elle n’avait que dix-sept ans, à qui elle a donné le prénom de l’acteur qui jouait dans le film, qu’elle a élevé seule, et pour qui elle a rêvé d’un avenir différent du sien, un destin hollywoodien. Mais « les choses se passent pas tout à fait comme on les raconte ». Elle a tout essayé, quitté Sochaux pour Paris, envoyé des centaines de lettres à tout ce que compte le milieu du cinéma, puis a réduit ses ambitions en visant le court-métrage, elle a dépensé des fortunes en timbres, en photos pour des books, espéré les castings. Elle l’a traîné partout son Burt, grossissant au gré des repas avalés sur le pouce et qui n’en pouvait plus de honte face à cette mère qui jouait sa vie sur cette ambition pour lui. Elle a rêvé, elle a cherché à « sortir de la petite boîte » où elle et son fils étaient assignés. Et si à la fin….
Pamela Ravassard et la Compagnie Paradoxe(s) continuent un travail dans la lignée de leurs précédentes pièces (en particulier Courgette qui leur avait valu 7 nominations aux molières et 7 nominations aux Trophées de la Comédie musicale en 2024) sur la question des déterminismes sociaux, de la transmission et de la résilience. Zoom qu’elle met en scène et joue ici est une pièce de Gilles Granouillet, un auteur qui parle avec beaucoup de tendresse des laissés pour compte, maltraités par la société et même par les institutions sociales censées les protéger. Jugés, « mal notés », ceux qui, comme la mère de Burt, n’ont pas les codes, sont vite renvoyés à leur solitude et à leur statut social.
La metteuse en scène nous place dans une salle de classe avec ses chaises d’école alignées pour la réunion, où la mère de Burt va parler. Parler pour demander pardon, ce qui est un comble pour qui a été aussi maltraitée par la vie. Elle passe d’une chaise à l’autre, rit trop fort, mal à l’aise. Les chaises suggèrent aussi d’autres lieux, une salle de cinéma, une salle d’attente pour un casting, le bureau d’une assistante sociale ou de la principale. Une vitre sépare la pièce où elle est d’un couloir, qui mène ailleurs, une vitre où elle peut voir son propre reflet déformé par la pluie ou par ses larmes. Les lumières et la musique lui permettent de nous emmener dans ses références hollywoodiennes, Le Parrain, Indiana Jones, Sergio Leone, Star Wars, Bjork. Et c’est par la musique, là où elle ne l’attendait pas, que son fils arrivera à construire sa propre vie.
Seule en scène, Pamela Ravassard est la mère de Burt et elle est formidable. Touchante quand elle demande pardon aux éducateurs qui se sont occupés de son fils pas toujours facile, drôle quand elle dit qu’elle a vite appris à lire à l’envers pour déchiffrer ce que notent les assistantes sociales sur son cas, émouvante quand elle s’acharne à vivre son rêve d’avenir pour son fils. En colère ou désespérée, remuant ciel et terre pour aider son fils à sortir de « la petite boîte », riant trop fort, toujours à vif dans l’espoir, comme dans la déception, Pamela Ravassard campe cette mère hors-norme, qui se reproche de n’avoir pas su parler à son fils et aux autres, une mère pourtant formidablement aimante.
Une pièce qui dit beaucoup de choses sur notre société fracturée, sur les rêves fracassés de ceux qui ne sont pas nés au bon endroit, portée par une magnifique comédienne. Courez la voir, vous ne le regretterez pas !
Micheline Rousselet
ZOOM : Portrait d’une mère en clair-obscur
Festival Off Avignon 2025
06/07/2026
Une femme. Un fils. Un rêve plus grand que la vie.
Et si, derrière les enfants dits “difficiles”, il y avait des mères invisibles ? Des femmes cabossées, qui se débattent, qui rêvent, qui s’épuisent à transmettre ce qu’elles n’ont jamais reçu ?
Dans Zoom, la nouvelle création de la compagnie Paradoxe(s), Pamela Ravassard donne corps à l’une de ces figures silencieuses et bouleversantes : la mère du Burt.
Un seule-en-scène haletant, à la croisée d’une confession intime et d’un fantasme hollywoodien, où s’entrechoquent les projecteurs de cinéma, les éclats de rire et les silences fêlés. Une réunion parents-profs comme clap de début
Fin septembre, salle de classe anonyme. Les chaises sont rangées, le professeur principal est en retard. Et soudain, elle se lève. Celle qu’on n’attendait plus, celle dont on aurait préféré oublier l’existence : la mère du Burt. Très vite, la pièce bascule. On quitte le huis clos scolaire pour une traversée à la fois comique et poignante, entre Sochaux et Sartrouville, entre les plateaux de tournage et les bureaux de Pôle Emploi. Elle parle pour son fils. Pour elle. Elle se raconte comme on se confesse. Et peu à peu, c’est
son propre film qu’elle projette sous nos yeux.
Zoom sur une femme, pas sur un enfant
Si le titre intrigue, ce n’est pas Burt le véritable sujet de la pièce. Le “zoom”, c’est sur elle qu’il s’opère.
Elle, la mère sans filtre, au rire extravagant, énergique, drôle, à la fois pathétique et magnifique. À coups d’anecdotes, de souvenirs, de dérapages épiques, elle déconstruit l’illusion de la réussite, interroge le sacrifice maternel et met en lumière les déterminismes sociaux qui enferment dès l’enfance.
Le texte de Gilles Granouillet, ciselé comme une lame tendre, explore avec finesse cette ambivalence : vouloir le meilleur pour son enfant… au risque de l’étouffer.
Une mise en scène cinématographique et sensible
Pamela Ravassard – qui interprète aussi le rôle – construit un univers scénique à la frontière du théâtre, du cinéma et du rêve. Un plateau nu, traversé de vitres, d’ampoules, de projecteurs. Une lumière qui se module comme un travelling. Un son qui frôle la science-fiction. Tout ici évoque l’art du montage, du flashback, du grand angle émotionnel.
Les clins d’œil au septième art sont omniprésents : musiques de John Williams, Nino Rota, jingles de grands studios…Mais loin d’être un gadget, cette esthétique hollywoodienne devient le langage de la mère : son refuge, son filtre, son mirage. À défaut d’avoir pu offrir une vraie vie, elle aura offert un scénario.
Une régie d’orfèvre pour une partition millimétrée
Impossible de parler de Zoom sans saluer le travail technique d’orfèvre qui accompagne la comédienne. La régie lumière et son, en parfaite symbiose, sculpte un écrin d’émotions mouvantes. Les effets spéciaux, la musique live (portée par le violoncelliste Nathan Minière), les jeux de reflets et d’ombres offrent une profondeur quasi cinématographique à ce théâtre de l’intime.
Entre burlesque et tragédie, un vertige salutaire
Zoom est un récit de résilience et de transmission, dans la lignée des précédents spectacles de la compagnie (65 Miles, Courgette).
Un portrait de femme seule contre le monde, qui fait sourire avant de poignarder doucement. Une odyssée intérieure où l’on vacille, comme elle, entre ce qu’on rêve pour ses enfants et ce que la vie impose.
Et s’il ne restait que l’amour— nu,maladroit, immense ? C’est peut-être cela, le vrai gros plan. Avis de Foudart 🅵🅵🅵
13 juillet 2025
AU GIRASOLE, UN « ZOOM » EN TECHNICOLOR
La lumière s’éteint à peine que déjà les applaudissements fusent. L’émotion du
public est palpable devant cette histoire
poignante d’une mère célibataire défavorisée qui aime son fils d’un amour
démesuré. Pamela Ravassard est une actrice exceptionnelle, un caméléon qui convoque
efficacement tous les personnages de l’histoire de cette fille mère. Elle signe aussi
une mise en scène en « technicolor », vivante, musicalement habitée, en mouvement.
Le texte est ciselé, avec un suspense qui tient en haleine de bout en bout. La peinture sociale est fine, sans jugement, et renvoie chacun à son histoire familiale. Un grand moment d’émotion.
Une femme, « la mère du Burt » attend au milieu de chaises scolaires le début d’une réunion parents profs. Bizarrement la salle est vide. Le prof principal se fait attendre. Elle se lance dans le récit de sa vie, avec une série de flashbacks…
Le plateau est bordé d’ampoules lumineuses, comme une piste de stars. Des cloisons vitrées en fond de scène, et puis les chaises. La mère de Burt est habillée en rose,
cheveux tirés et trop maquillée, assurément issue d’un milieu populaire. Elle rit trop fort, à contretemps. Son accent du Doubs est aussi un marqueur social. Pamela Ravassard en use, et s’arrête pour se muer en proviseur, séducteur ou avocat. Son jeu
est très physique, sa posture décrit les rapports de force en un instant. Elle chante aussi, convoque l’émotion avec Nina Simone notamment (Ain’t go). La mise en scène est travaillée au millimètre, elle nous transporte sous la pluie, dans la rue, ou dans l’infinie tristesse des larmes.
Gilles Granouillet signe un texte très bien construit, où l’histoire ne cesse de rebondir. Le spectateur essaie de recoller les morceaux, de deviner le destin du fils comme celui de la mère, les fausses pistes sont nombreuses jusqu’au dénouement.
La peinture sociale est saisissante : le déterminisme de classe, les modèles qui se répètent, les travailleurs sociaux impuissants à casser les schémas, les étiquettes, les « boites en carton » où chacun est bien rangé.
Comment blâmer cette mère de vouloir extirper son fils de ce déterminisme social ? L’infini de son amour maternel l’emmène très loin, trop loin. Elle projette ses rêves
de grandeur, son ambition, sans même écouter son fils. Avec une lucidité que ses ricanements de gêne ne laissaient pas soupçonner, elle analyse très bien la situation a posteriori. Son histoire change le regard sur l’obésité et la violence à l’école. Zoom offre un changement de perspective rare et précieux sur le déterminisme social et la résilience. Une très belle pièce et une performance d’actrice à découvrir.
Emmanuelle Picard
18/05/2025 ZOOMAvec : Pamela RAVASSARDDe : Gilles GRANOUILLET Mise en scène : Pamela RAVASSARD Violoncelle: Nathan MINIERE Collaboration artistique : Garlan LE MARTELOT et Cyril MANETTA |
Lumière : Cyril MANETTA Création sonore et arrangements : Frédéric MINIERE Scénographie et costume : Hanna SJODIN Chorégraphie : Johan NUS Coach vocal : Stéphane CORBINLe 25 mai 2025 en avant-première dans le cadre du festival SenSOn les avait aimés sur Courgette, la compagnie Paradoxe(s) est de retour avec une proposition qui explore une fois encore les enfants sacrifiés. Même thématique mais histoire et conception complètement différentes. D’abord, Zoom, c’est ainsi que s’intitule la nouvelle création de Paradoxe(s), est un seule en scène. C’est Pamela RAVASSARD qui interprète les différents rôles de ce récit réaliste et qui en signe également la mise en scène. Si le titre intrigue, le plateau composé d’ampoules disposés dans un cadre suscite aussi des interrogations. On se demande « Pourquoi ce titre ? pourquoi ce décor ? » Alors bien vite, tout s’assemble autour du projecteur de cinéma sur pied et des thèmes musicaux de films incontournables issus de la pop culture et de jingles de grand studios américains. Zoom est une mise au point non pas sur Burt, l’enfant « difficile ». Bien que la mère tente de brouiller les pistes mais c’est un focus sur elle qui est fait. On admire la complexité du texte à nous montrer les failles et les désirs d’une femme au travers de son fils. L’interprétation est subtile et engagée.Outre la musique et les renvois à l’univers du cinéma, on est épaté par les effets |
sonores et lumineux rendus possibles grâce à une régie au taquet en parfaite synergie avec la comédienne. Le travail sur le son et la lumière relève du génie et d’autres effets spéciaux viennent nous cueillir davantage.Zoom est une pièce incongrue qui commence par déstabiliser avant de se rassembler en un gros plan qui offre toute la dimension des différents matte paintings prenant sens à mesure que la focale se fait. Une narration sur un champ lexical visuel et auditif rondement menée !Aurélien Corneglio |
26/05/2025
Mise en scène : Pamela Ravassard
C’est l’histoire de l’amour incommensurable d’une mère
pour son fils. C’est l’histoire d’une mère qui est prête à tout pour offrir la meilleure vie à son fils. C’est l’histoire d’une réussite…
Fin septembre, réunion de parents d’élèves : elle est là, « la mère du Burt ». Celle qu’on n’a pas vue depuis des années, celle qu’on aurait sans doute préféré ne pas revoir. Elle n’a plus aucune raison d’être là, pourtant elle s’est invitée. Alors, comme le prof principal est en retard, elle se lève et parle. En combat contre les mots, elle se raconte, raconte son Burt, cet « enfant difficile ». Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage n’a aucune limite pour son fils qu’elle embarque sur les routes de France, en quête d’un rêve hollywoodien. Et au fil de ce parcours entre musique, danse et cinéma, une vraie émotion se dévoile peu à peu. On comprend alors qui elle est, et
pourquoi elle est là…
Le spectacle ZOOM de Gilles GRANOUILLET interprété et mis en scène par Pamela RAVASSARD donne tout son sens ( c’est le cas de le dire car nous l’avons découvert au Festival SENS ) au qualificatif de Seule en scène .
Qu’attendrions nous d’un seul.e en scène s’il était proposé au quidam auquel chacun.e de nous pourrait s’identifier ? Il y a une bonne quinzaine d’années au Théâtre Le Lucernaire grâce à la bienveillance de son directeur Christian LE GUILLOCHET, le dernier dimanche du mois un poète slameur Vincent JARRY organisait une scène ouverte permettant à « n’importe qui » de s’exprimer. De fait cette scène était réservée aux personnes n’ayant pas les moyens de payer pour la scène suivante destinée aux
professionnels.
Cette opportunité de s’exprimer face à un public, sans détenir les codes des artistes professionnels, il fallait la saisir car elle était exceptionnelle . Imaginez le fantasme, se retrouver seul.e face à un public inconnu pour délivrer quelque chose d’intime qui nous tient au cœur, ou un message urgent qui nous relie à la vie. Ce personnage de Zoom, |
une mère qui vient frapper à la porte d’un public inconnu, ici, un groupe de parents d’élèves pour lui raconter son histoire de mère avec un enfant « difficile » évoque cette émotion de se retrouver seul.le pour raconter l’inaudible qui a pourtant un lien avec la société, qui se trouve sans doute en dessous du goudron de la rue, parcouru par tout le monde, qui est comme le terre plein du coeur qui bat à tout rompre, dans l’urgence, mais dans l’urgence de quoi ?Cette femme qui s’est complètement identifiée à son rôle de mère a oublié qu’elle était une personne à part entière . Elle s’est effacée de son propre miroir pour se projeter sur le destin de son fils Burt devenu la prunelle de ses yeux. Elle rêve pour lui la gloire d’un acteur tel que Burt LANCASTER, parce qu’elle l’a conçu lors de la projection au cinéma |
du film «Tant qu’il y aura des hommes». La confession de cette femme est bouleversante parce qu’elle n’est pas lisse. Nous sommes tellement habitués au langage conventionnel, suffisamment léché pour entrer dans les oreilles de quiconque, que nous sursautons dès que nous entendons une personne qui parle trop fort, qui crie, lance des insultes etc.« Passez votre chemin » aura-t-on envie de dire à cette dame. Vous nous importunez avec votre histoire. Pauvre femme ! » On pourrait la qualifier de toxique la mère de Burt parce que c’est évident à cause de son manège insensé elle a rendu la vie de son gosse impossible. Et si nous essayions de faire Zoom comme Gilles GRANOUILLET sur ces détails qui prennent une importance inouïe sans même que l’on s’en rende compte. Nous ne sommes pas psychiatres, nous n’avons pas les codes pour juger et comprendre sans doute, mais cela nous fait du bien de l’entendre cette femme parce qu’elle nous renvoie à des fantasmes que nous avons peut être eu en tant que parents, parce qu’elle nous parle de la vie tout simplement. |
Et puis cette pauvre femme est aussi une mère courage, nous laissons au public imaginer la suite… Gilles GRANOUILLET sait trouver le langage qui ne coule pas de source mais qui est révélateur de la vie intérieure de la mère de Burt jusqu’à ce qu’elle arrive à se dire. Pamela RAVASSARD est saisissante. Elle crache le morceau mais il est de taille à nous subjuguer.Evelyne TrânN.B : Paméla RAVASSARD était l’invitée de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4, le samedi 24 Mai 2025, en podcast sur le site de Radio Libertaire.Le spectacle aura lieu Festival off d’Avignon du 4 Juillet au 26 Juillet à 10 H (relâche les 8, |
15, 22 juillet) au Théâtre GIRASOLE 24 Bis rue Guillaume Puy 8400 AVIGNON. |
ManiThea Dans ce seul en scène porté avec force et nuances par Pamela Ravassard, |
une mère s’invite à une réunion parents-profs comme on entre sur un ring : maladroite, bavarde, trop bruyante, avec l’ardeur de celles qu’on n’écoute jamais. Et cette fois, elle parle. Elle déborde. Elle se raconte. |
Elle a l’accent franc-comtois et l’émotion qui affleure, les mots qui trébuchent mais le cœur en cavale. Fille-mère à 17 ans, rejetée, stigmatisée, elle nous livre son histoire avec tendresse et désespoir. L’enfant qu’elle a élevé seule, qu’elle aime maladroitement mais passionnément, devient le point de fuite d’une vie cabossée. Elle rêve pour lui de cinéma, de lumière, |
comme pour réparer une existence marquée par la violence, les services |
sociaux, et la honte d’un rire « à côté ».La mise en scène, simple et sobre, laisse toute la place au jeu. La pièce est drôle, parfois tragique, souvent entre les deux. La musique, omniprésente, |
offre des respirations poétiques dans ce monologue vibrant. Si la pièce ne nous chavire pas entièrement, peut-être à cause d’un dispositif un peu trop frontal, elle nous confronte à une réalité sociale brutale : l’impossible mobilité, l’injustice d’une maternité solitaire, la difficulté d’exister en dehors des cases.On rit, souvent à contretemps, et c’est la force du spectacle : l’émotion naît |
dans l’écart entre le comique et le tragique, entre le rire franc et la honte sociale. Ici on ne cherche pas à attendrir, mais à faire entendre une voix marginale.Pamela Ravassard incarne cette mère avec une justesse sans pathos. Ce |
n’est pas un spectacle larmoyant, c’est une parole brute, une tentative deréparation. Et dans cette parole, parfois bancale mais terriblementhumaine, on entend l’écho de toutes celles qu’on fait trop souvent taire. Festival d’Avignon Off 2025 – Théâtre du Girasole à 10h00 |
21/07/2025
ZOOM
❤️❤️❤️❤️
Une confession poignante, entre cinéma intime et théâtre brut
Théâtre du Girasole – 10h00
Il est des spectacles qui vous saisissent sans prévenir. ZOOM est de ceux-là. Porté par l’interprétation magnétique de Pamela Ravassard, seule en scène, ce monologue d’une mère cabossée vient vous percuter en plein cœur.
Elle incarne une mère célibataire, paumée, drôle parfois, mais surtout terriblement humaine. Son amour inconditionnel pour son fils Burt est le fil rouge d’un récit bouleversant. Comme dans IPHIGÉNIE À SPLOTT, que j’avais tant aimé, j’airetrouvé ici cette tendresse infinie pour une héroïne brisée, dont les failles deviennent poésie.
J’ai été frappé par l’intensité du jeu de la comédienne, par la manière dont elle fait vibrer chaque mot, chaque geste, avec une énergie brute et une vulnérabilité à fleur de peau.
Mais Pamela Ravassard signe aussi une mise en scène d’une grande finesse, traversée de cinéma et de poésie. Elle nous embarque littéralement dans le film intérieur de cette mère. Les références hollywoodiennes (Rocky, Le
Parrain, Indiana Jones, E.T.) ne sont pas des clins d’œil gratuits : elles traduisent les espoirs démesurés qu’elle projette sur son fils, comme un rêve de grandeur pour échapper à la médiocrité du quotidien.
Tout est pensé pour servir cette immersion : les vitres en fond de scène, les jeux de reflets, les effets sonores subtils, et surtout le formidable travail sur les lumières. Visuellement c’est somptueux et ça tisse un flou entre la réalité et le destinfantasmé par cette mère pour son fils.
Mais derrière cette forme très maîtrisée, ce qui reste, c’est l’émotion. Une émotion brute, vraie, portée par l’écriture de Gilles Granouillet, qui donne la parole à ceux qu’on n’écoute pas. Une émotion qui fait rire aussi, car cette femme est traversée d’un humour qui rappelle souvent Chaplin. Et quand elle tombe le masque, c’est une déflagration.
ZOOM est un cri. Un pardon. Une tentative de transmission. Un hymne à la résilience. Et surtout, une très belle surprise de ce OFF.
CRITIQUE
ZOOM
Rédigé par Yves POEY et publié depuis Overblog
Fallait bien qu’elle vienne, la mère du Burt !
Fallait qu’elle vienne nous raconter tout ça, les ambitions qu’elle avait pour son fils, au prénom lancasterien !
Elle, ce qu’elle voulait, c’est faire de son fils une star de ciné, à tout prix. Parce qu’elle, la vie ne l’avait pas épargnée.
Enfant sans amour maternel, enfant frappée plus qu’à son
14 DECEMBRE 2024
tour, mère célibataire accouchant le jour de ses 17 ans, cette jeune femme appartient à ce que les sociologues définissent comment « le quart-monde ». En voulant
le meilleur pour son fils, en réaction à son propre parcours de vie, elle va nourrir un amour inconsidéré. Trop d’amour tue l’amour.
Dans ce texte coup-de-poing, Gilles Granouillet nous présente un incroyable portrait de femme blessée, qui, ne maîtrisant pas les codes attendus par la société, va commettre l’irréparable afin de tenter d’éviter à son fils ce qu’elle même avait connu. En prenant à bras le corps ce rôle et en nous proposant ce magistral seule en scène, Pamela Ravassard continue son travail dramaturgique consistant à nous montrer ceux que l’on montre rarement : les « petites gens », comme elle dit elle- même avec beaucoup de respect. Que ce soit dans sa remarquable pièce Femmes de fermes, que ce soit dans sa participation au spectacle Les filles aux mains jaunes, dans sa mise en scène de 65 miles, ou encore dans sa précédente, Courgette, la comédienne et metteure en scène s’attache à nous parler des sans-grades appartenant à « la France d’en bas », celles et ceux qui n’ont d’ordinaire pas la parole. Au fond, ce Burt pourrait être le négatif de Courgette.
Deux enfants confrontés l’un au manque d’amour, l’autre au trop plein. Le juste milieu ? Pas pour eux !
Durant une heure et vingt minutes, Pamela Ravassard va nous faire beaucoup rire, et surtout va nous bouleverser. Tour à tour très drôle ou déchirante, la comédienne endosse ce rôle difficile et exigeant avec une maestria de tous les instants. Ce qu’elle va nous dire et nous montrer force le respect et l’admiration.
Il faut une palette de jeu très importante pour aborder un tel personnage. Mademoiselle Ravassard fait partie de ces rares comédiennes qui peuvent passer du rire à l’émotion la plus intense en une fraction de seconde, nous cueillant subitement d’une rupture intense, d’un changement de visage ou d’attitude le plus subtil et le plus délicat. Elle incarne cette mère courage en nous montrant toutes ses facettes, mettant en jeu des émotions intenses, exacerbées, toujours on ne peut plus justes, de celles qui vous touchent au plus profond de vous-même. Ici, aucun misérabilisme ni pathos de mauvais aloi. Les choses sont dites par la comédienne.
Elle ne juge pas son personnage. Elle nous prend à témoin. Elle nous raconte l’histoire du point de vue de la mère du Burt, mais incarnera également tous les autres personnages, avec beaucoup d’à-propos et de finesses : les assistantes-sociales, le proviseur, un juge, un avocat, une autre mère… La scénographie très réussie de Hanna Sjödin va contribuer pleinement à la réussite de cette entreprise artistique.
Nous sommes dans un entre-deux. Une sorte de salle de classe, avec des chaises que tout le monde a connu dans son parcours scolaire, et un monde de paillettes symbolisé par des rampes de petites ampoules.
Au lointain, un autre espace, sorte de couloir fait de pans en plexigas, qui aura une grande importance dans la dramaturgie. Je vous laisse évidemment découvrir.
Les magnifiques lumières de Cyril Manetta et la création sonore de Frédéric Minière vont réussir à faire en sorte de matérialiser deux univers eux aussi bien distincts. Tout d’abord le quotidien, la réalité. Ce rendez-vous étrange fixé par un soi-disant prof de biologie que nous ne verrons pas. Et puis le monde du rêve et du fantasme de cette femme. Le monde du cinéma, avec des jingles très célèbres et des bandes originales de film très connus. Le choix en est très judicieux. Tout ceci fonctionne à la perfection. Les passages entre les deux univers sont très pertinents. Musique également, avec la comédienne qui chantera (très bien) à plusieurs reprises, dont une magnifique version de Ain’t got no, I got life, de Nina Simone. Un hymne à la fierté !
Ain’t got no mother, ain’t got no culture Ain’t got no friends, ain’t got no schoolin’
Musique encore avec… J’aimerais vous raconter la merveilleuse fin du spectacle, mais il me faut évidemment vous laisser la surprise. C’est en tout cas un autre magnifique moment dramaturgique.
On sort de la salle en ayant l’impression d’avoir reçu un véritable choc : choc littéraire , choc émotionnel, choc théâtral…
Nous sommes interpellés en permanence par cette histoire de descente aux enfers et de résilience. Ce « presque » seule-en-scène bouleversant est de ceux qu’il est impossible d’oublier, de ceux qui restent en vous très longtemps et vous marquent durablement. Le spectacle continue sa tournée, et sera donné cet été au festival d’Avignon. En attendant bien entendu une grande salle parisienne. Nous en reparlerons ! Un spectacle-upercut, maîtrisé de bout en bout, aux formidables parti-pris, porté par une magnifique et admirable comédienne. Un immense moment de théâtre !